SS : Comment avez-vous connu Vacchini ?
JG : C’est une invitation merveilleuse que nous avons eu en 1999. J’avais été invité à enseigner à l’Accademia et j’avais accepté, et lors du Festival de Cinéma de Locarno nous avons bénéficié de l’hospitalité de Livio et de Bruna dans leur maison via Aerodromo à Ascona. Les amis des amis... Donc c’est une introduction qui est venu parce que j’avais été invité par Mario Botta et j’ai accepté l’invitation et j’avais pu rencontrer à cette occasion l’homme politique de Tessin qui avait poussé le projet de création d’une Université de la Suisse Italienne. Il s’appelait Buffi et je me souviens donc d’un dîner dans le jardin planté de platanes de la villa d’Ascona, un très, très beau jardin intérieur, complètement caché. D’ailleurs l’intériorité c’est un thème, on pourrait presque dire islamique ou arabe, du jardin et de la fontaine. La fontaine étant en occurrence une piscine qui se trouve protégée à l’intérieure de la maison. Le domaine aussi de Bruna, qui s’occupait du jardin – choisissait les espèces, parlait aux plantes ; et la conversation amicale qui a lieu. On peut dire, c’est une découverte, bien sûr : qui était Vacchini, son importance, il avait déjà eu l’occasion de construire, en compagnie notamment de Luigi Snozzi. Alors il nous a fait l’amitié de nous prêter sa maison qui était à peine terminée, sopra Tenero et nous y sommes restés une petites semaine avec Heidemarie, essayer l’installation. Donc il y avait des affinités électives qui se sont déclarées subitement aussitôt, notamment en ce qui est de l’échange de battute comme on dit en italien, de répliques amusantes, ironiques. Il aimait beaucoup pratiquer ce genre d’humour qu’il dirigeait d’ailleurs de façon très critique et incisive contre certains collègues aussi. On ne parlait pas souvent d’architecture à vrai dire. On parlait plutôt de ce qui se situait à l’extérieur : dans le domaine de la musique, dans le domaine du paysage. Dans le paysage c’est évidement la question de la présence de l’architecture dans le lieu – et cette idée de l’absence d’intégration, mais de construction du lieu qu’il peut voir dans les voyages qu’il fait avec Silvia. Ils choisissent chaque année une destination autre pour aller découvrir les grands classiques de l’architecture. Qu’il s’agit des pyramides aztèques ou des pyramides égyptiennes, il se confrontait à la construction du lieu par l’architecture. Le thème d’ailleurs au Tessin est bien connu, parce que c’est un des premiers thèmes développés par Mario Botta disant qu’il faut construire face à la montagne pour être si fort que les montagnes : tu dévisage le paysage. Et alors c’est toute l’esthétique de l’intégration dans le lieu et du genius loci qui est remise en cause. Le genius loci est une notion romantique, totalement viscérale. La question de l’anonymat se pose par rapport à la volonté de marquer le lieu ; marquer – vouloir apparaitre dans sa singularité. A ce titre on peut dire que le chef d’Å“uvre c’est le chef d’Å“uvre posthume de l’usine de l’incinération des ordures [de Giubiasco] qui devient le centre vital, le centre nerveux de toute une région.
Né à Nyon en 1940, Jacques Gubler entreprend des études de lettres à Lausanne, Urbino, Philadelphie et Zurich. Il obtient son doctorat à l'UNIL en 1975 avec une thèse intitulée Nationalisme et internationalisme dans l'architecture moderne de la Suisse, réalisée sous la direction du professeur Enrico Castelnuovo. Il enseigne l'histoire de l'architecture à l'EPFL, à l'Ecole d'architecture de l'Université de Genève, à l'Université de Pennsylvanie, Philadelphie, à l'Ecole Polytechnique du New Jersey, Newark, à l'Académie d'architecture de l'Université de la Suisse italienne, Mendrisio. Jacques Gubler a publié sur l'architecture moderne de la Suisse, la revue ABC, Alberto Sartoris, Viollet-le-Duc, François Hennebique et le béton armé, Jeanneret avant Le Corbusier, L.H. de Koninck, George Baines, Johann Rudolf Rahn, l'architecture récente en Suisse française et au Tessin, l'histoire urbaine de la Chaux-de-Fonds, d'Arcachon et de Newark. Il a participé au projet Inventaire suisse d'architecture, 1950-1920, financé par le Fonds National. Il a fait partie de la rédaction de Casabella de 1982 à 1995. Il est membre associé de la FAS. Il vit aujourd'hui à Bâle. (www.ppur.org)
Son travail sur l’Å“uvre de Livio Vacchini comprend notamment : "Avoir maison en tête, La maison Vacchini á Costa sur Tenero près Locarno", Faces nr.30, hiver 1993-94 // "La casa dell’architetto, autoritratto spiegato" – Vernissage de l’exposition d’architecture de Livio Vacchini de la "Galleria d’arte Dabbeni”, n.34-35, 1994